"Cet album est le deuxième volume d’une série consacrée aux études pour piano. Entreprise courageuse et ambitieuse que celle-là ! A l’heure du disque « concept », du cross over et du blockbuster, au marketing scientifiquement étudié, à gros tirage et destiné à un large public, cette publication pourra paraître peu séduisante : présentation très sobre et sérieuse, à la limite glaciale, texte de présentation, certes exhaustif, mais n’évitant pas les termes techniques (toutefois, il est traduit en français). De plus, si le producteur et la pianiste Erika Haase (à moins que d’autres la rejoignent ensuite) ont le souci de l’exhaustivité, ils devront non seulement passer par des piliers bien connus du répertoire, comme les études de Chopin, Liszt et Rachmaninov, mais également par des pages plus rares, négligées ou réputées scolaires (par exemple, les études d’Alkan, de Smetana, de Hindemith, avec son Ludus Tonalis, de Czerny…). Cela s’annonce prometteur et copieux. Mais quel niveau de vente Tacet espère-t-il ?
Néanmoins, ce deuxième volume offre un moment de très beau piano qu’il serait dommage de bouder. Dans un programme très adroitement composé, Erika Haase, musicienne de grande classe, conjugue avec bonheur une superbe maîtrise technique, une profonde sensibilité et une indéniable compréhension du texte. Les Deux Etudes de Lutoslawski sont rendues avec l’énergie nécessaire sans que ne soient oubliés l’entrain et la joie de cette page composée dans les circonstances difficiles de la Seconde Guerre Mondiale. Nimbée d’une lumière sombre et inquiétante, l’interprétation des Trois Etudes de Scriabine peut se montrer, par moments, agitée sans être heurtée, véhémente ou angoissante. Erika Haase est remarquable dans les Quinzième et Seizième Etudes de Ligeti : d’une grande profondeur, la pianiste offre une sonorité cristalline qui fait merveille dans ces pages tardives du compositeur hongrois. Dans les Etudes de Debussy, pièce de consistance du programme, Erika Haase démontre davantage encore sa fabuleuse capacité à caractériser chaque pièce et à assurer remarquablement les changements d’atmosphère, nombreux dans cette œuvre. Cela nous donne des Etudes finement travaillées, dans lesquelles son jeu imaginatif s’avère plein d’humour (Pour les cinq doigts), passionné (Pour les tierces), éclatant (Pour les octaves) ou encore léger et printanier (Pour les arpèges composés). Dans l’Etude pour les sonorités opposées, Erika Haase souligne à merveille toute l’originalité de cette page avant-gardiste."
Sébastien Foucart

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