Composées par Johann Sebastian Bach pour l′ usage de son cercle familial, enfants et élèves, les Suites françaises concilient avec un art consommé pédagogie et exigence musicale, offrant des pièces peu virtuoses, au contrepoint assez simple, mais toujours intéressantes, tant du point de vue mélodique que rythmique. Evgeni Koroliov en fait ressortir la transparence et, comme pour les Inventions, propose une version assez adulte, sans pour autant en évacuer la juvénilité. Limitant l’usage de la pédale aux tempos les plus lents, il s’insère par certains côtés dans la tradition interprétative de Bach au piano marquée par Gould (Sony). Ainsi jouet-il beaucoup en détaché, avec des basses lourées, parfois liées, et une main droite très déliée, plus éloignée du legato que dans ses autres enregistrements (par exemple le Clavier bien tempéré). Cependant, d’autres aspects de son jeu auraient été impensables sans l’interprétation baroque et le retour en grâce du clavecin – et l’éloignent fortement de Gould ou du Bach que l’on apprend au Conservatoire, mais aussi, dans une certaine mesure, du Koroliov que l’on connaissait.
Trois aspects de ses interprétations méritent d’être soulignés: la relative lenteur du tempo, la délicatesse du toucher, et le fait que sa conduite repose beaucoup sur l’agogique rythmique. Le pianiste joue les pièces lentes (allemandes, sarabandes) souvent en arrière du temps, en retenant le flux des phrases par des retards fréquents, créant des tensions expressives avec l’irrégularité de la ligne de basse; il porte par ailleurs une grande attention au cantabile et aux ornements de la main droite, interprétés avec une rare délicatesse. De la musique se dégage ainsi un rare sentiment de réserve, mais aussi de profondeur et d’intériorité. Les pièces plus rapides sont interprétées de manière métronomique, souvent dans une approche plus staccato, quoique pas spécialement brillante. Le musicien russe ne se départit pas de sa mesure, et ne laisse jamais sourdre de la musique l’énergie joyeuse et dansante que l’on retrouve par exemple chez un Gould.
Avec cette ersion moderne des Suites françaises, à la fois très pianistique et très contemporaine, Koroliov nous propose de cette œuvre une version sombre, équilibrée, remarquable du point de vue plastique, et habitée. Stéphan Vinvent-Lancrin
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Trois aspects de ses interprétations méritent d’être soulignés: la relative lenteur du tempo, la délicatesse du toucher, et le fait que sa conduite repose beaucoup sur l’agogique rythmique. Le pianiste joue les pièces lentes (allemandes, sarabandes) souvent en arrière du temps, en retenant le flux des phrases par des retards fréquents, créant des tensions expressives avec l’irrégularité de la ligne de basse; il porte par ailleurs une grande attention au cantabile et aux ornements de la main droite, interprétés avec une rare délicatesse. De la musique se dégage ainsi un rare sentiment de réserve, mais aussi de profondeur et d’intériorité. Les pièces plus rapides sont interprétées de manière métronomique, souvent dans une approche plus staccato, quoique pas spécialement brillante. Le musicien russe ne se départit pas de sa mesure, et ne laisse jamais sourdre de la musique l’énergie joyeuse et dansante que l’on retrouve par exemple chez un Gould.
Avec cette ersion moderne des Suites françaises, à la fois très pianistique et très contemporaine, Koroliov nous propose de cette œuvre une version sombre, équilibrée, remarquable du point de vue plastique, et habitée. Stéphan Vinvent-Lancrin
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