Amis baroqueux, désolé de vous choquer. Un 10/10 à des Quatre Saisons polonaises avec un violoniste connu seulement de quelques happy few? Oui.
Il n′est pas question de dire que cet enregistrement remplace tous les autres. Mais il faut dire que cet enregistrement réussit ce que tant et tant ont raté: la version chambriste et virtuose de "Monsieur et Madame Tout-le monde". Gaede réussit là où Perlman, Shaham, Mutter (2e version), Sarah Chang ont échoué. Là où Kennedy (2e version, à Berlin) a fait bonne impression et là où Gidon Kremer (2e version, chez Nonesuch) apparaissait jusqu′ici comme le meilleur choix.On n′est pas dans le domaine des instruments anciens. L′Orchestre philharmonique de chambre de Pologne marche sur les plates-bandes de celui de Cologne cher à Helmut Müller-Brühl. Il est sans doute moins brillant que le Combattimento Consort Amsterdam ou la Deutsche Kammerphilharmonie, des ensembles qui pratiquent eux-aussi la musique sur instruments moderne avec la "conscience stylistique". Quand on entend l′exceptionnelle version de l′Été de l′Orchestre de chambre de Pologne, cet écart qualitatif supposé n′est pas notable.
Le théâtre de Biondi et d′Il Giardino est indéniable. Mais cette interprétation-ci est aussi très éloquente sans la moindre exagération. C′est ce qui la différencie de celle de Pavel Sporcl (Supraphon), reflet de l′égo envahissant d′un violoniste un peu "fou génial". Ici tout est porté à son maximum d′éloquence et d′incandescence, sans la moindre adaptation ou outrance. Cette interprétation est héritière de Pinnock-Archiv, sur instruments modernes.
Daniel Gaede, déjà remarqué dans d′autres disques Tacet, fut premier violon solo du Philharmonique de Vienne entre 1994-2000. On l′a dit, il réussit là où les stars ont échoué. Sa virtuosité incandescente est au service de la musique et il ne joue pas au soliste. Tout se passe comme s′il se dégageait de l′orchestre à la manière d′un narrateur. On écoutera son 2e mouvement d′Automne sensa vibrato, comme pour illustrer les premiers frimas.
Question frimas: l′entrée de l′Hiver est aussi gelée que celle de Pinnock, même si un peu trop rapide à mon goût (tout comme le Largo). On écoutera, au chapitre de la "classe" de l′enregistrement, la manière dont est posée et éteinte la dernière note du 2e volet. La fusion spirituelle soliste-orchestre est aussi puissante que celle de Kremer et sa Kremerata Baltica.
Le couplage est logique et, sans déborder de générosité, nous vaut un disque d′une heure. Le soin porté à la réalisation des deux concertos équivaut à celui mis au service de la brillance de Saisons. Le disque sera évidemment une fête pour les amateurs de prise de son et de technique, puisqu′il s′ajoute à la série "tube only" de Tacet. La captation elle même s′inscrit dans un espace généreux et réaliste. Je ne sais si ce sont les amplis à tubes, mais, si on voulait ergoter, on dirait que les graves sont un peu discrets.
Admirable réussite, donc. Des (presque) sans-grade qui dament le point aux plus grands, cela fait toujours très plaisir à découvrir!
Christophe Huss
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