Evgeni Koroliov et Ljupka Hadžigeorgieva consacrent tout un album aux œuvres pianistiques à trois ou quatre mains signées par Stravinski. Des babioles charmantes comme les deux cahiers de Pièces faciles pourtant à peine écrits pour des doigts d’enfant, où l’arrangement « abstrait » des Trois pièces pour quatuor à cordes. Seul, Koroliov distille avec ironie Tango—imitant par instant la guitare, ou débite la Piano Rag-music, doigts froids, contrepoints persifleurs.
Mais évidemment c’est pour Le Sacre, version quatre mains du compositeur, qu’on thésaurisera l’album, car contrairement à son extension, pour deux pianos encore tout juste illustrée par François-Frédéric Guy et Jean-Efflam Bavouzet (Chandos), les enregistrements de la mouture originale ne courent pas les rues.
Dès l’Introduction, pianissimo, la profondeur de l’espace sonore sidère, comme le ton de mystère. Ce Sacre n’est plus un ballet, c’est un rituel. La mise en place est sidérante de précision, millimétrée, le jeu de pédale si savant crée des perspectives sonores où tout l’orchestre de Stravinski se retrouve enserré sans jamais oublier de rayonner de couleurs vives.
Pas la peine vraiment d’élargir le spectre avec deux pianos lorsque l’on a une telle science pour faire sonner à vingt doigts un clavier qui toujours projette et jamais ne sature. Et incrédule je vois que cela a été enregistré live. Après leur stupéfiant album Schubert, Evgeni Koroliov et Ljupka Hadžigeorgieva signent à nouveau un maître-disque.
© 2015 ARTAMAG’Jean-Charles Hoffelé
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